Et c’est tant mieux pour le monde du travail
« Ma fille préfère travailler avec des quinquas. » Cette phrase, entendue au détour d’une conversation avec une amie, pourrait sembler anecdotique. Elle en dit pourtant long sur une réalité que beaucoup peinent à nommer : tous les jeunes actifs ne se reconnaissent pas dans les valeurs et les codes associés à leur propre génération.
La jeune femme en question, 25 ans, se sent plus à l’aise aux côtés de collègues de 40 ou 50 ans qu’avec ceux de sa propre tranche d’âge. Pas par nostalgie d’un monde qu’elle n’a pas connu, ni par rejet de ses pairs, mais parce qu’elle ne se retrouve pas dans certaines pratiques devenues, semble-t-il, la norme : la communication ultra-numérisée, l’évitement des échanges directs, l’absence d’effort relationnel. Symbole de ce décalage : sa manageuse, âgée de 28 ans, lui envoie des SMS… alors qu’elles partagent le même bureau. Une bulle bleue remplace la parole, même dans la proximité physique.
Cette anecdote, aussi déroutante que révélatrice, met en lumière un point trop souvent passé sous silence : la fameuse « génération Z » n’est pas un bloc homogène. Derrière les clichés de l’ultra-connexion, de l’instantanéité et d’une prétendue allergie à l’effort, cohabitent des jeunes qui aspirent à autre chose. Dialogue réel, rigueur, travail bien fait, sens des responsabilités : autant de repères qui restent vivaces chez nombre d’entre eux. Mais ces jeunes-là, souvent minoritaires dans les représentations dominantes, vivent un double isolement : générationnel, d’une part, mais aussi culturel, car leurs valeurs ne collent ni à l’image médiatisée de leur époque, ni aux pratiques majoritaires dans certains environnements professionnels.
Il serait donc réducteur – et dommageable – de plaquer un même moule sur tous les moins de 30 ans. Loin d’une jeunesse uniforme, le monde du travail accueille aujourd’hui des profils très variés, certains revendiquant des repères que d’aucuns qualifieraient de « classiques », voire de contre-courant. Ces jeunes ne sont ni passéistes, ni technophobes. Ils cherchent simplement du sens, du lien humain, de la cohérence entre les valeurs proclamées et les pratiques vécues. Ils attendent un cadre stimulant, pas une injonction au zapping permanent.
À force de confondre modernité avec superficialité, adaptabilité avec volatilité, jeunesse avec immaturité, on risque de passer à côté d’une richesse humaine précieuse : celle de jeunes prêts à s’engager, à apprendre, à construire, à condition qu’on leur parle vrai – et face à face.